L’ANJOU PENDANT LA 2NDE GUERRE MONDIALE

       I.            Le début

Les souvenirs de la « Grande Guerre  14-18 » sont à l’époque encore omniprésents :
19.000 morts angevins, 40.000 anciens combattants

Attitude dominante : les Angevins ne souhaitaient pas une nouvelle guerre, mais ils sentaient confusément qu’ils ne pourront pas l’éviter, ils l’accueillent avec résignation et fatalisme, l’envie dominant de l’époque était « que cela s’arrange »

1 septembre 1939 : Entrée des forces allemandes en Pologne (sans déclaration de guerre)
3 septembre : déclaration de guerre du Royaume-Uni (11h) et de la France (17h) et mobilisation des troupes françaises
La déclaration de la guerre est accueillie avec émotion et sang-froid,
la mobilisation entre résignation et acceptation. « Pourvu qu’on nous laisse tranquille ! »

L’opinion publique ici de cette terre conservatrice (à dominante centre droit modéré) est contre le « Boche » et l’Allemagne comme ennemi héréditaire (pas contre l’idéologie nazie). Elle est aussi choquée par le pacte germano-soviétique et peine à distinguer le véritable adversaire, les nazis ?, les communistes ? s’en suit d’ailleurs une épuration syndicale locale et une surveillance policière accrue,…

L’Anjou vit la « Drôle de guerre » : certes loin, mais avec des répercussions quasi immédiates :

  • rapidement la production agricole baisse (-25% en terre ensemencées car 65% des mobilisés angevins sont des ouvriers agricoles) avec
  • dès la 1ère année, réquisitions et hausses de prix importants (20-50%)

L’événement politique majeur en Anjou :
Angers devient la Capitale de la Pologne (occupée) pendant 8 mois (nov 39-juin 40).
Les Angevins font un accueil chaleureux aux représentants d’un pays considéré comme héroïque, lié à l’Anjou par l’histoire (grâce à l’élection d’Henri d’Anjou au trône de Pologne en 1573) et également très catholique.
(Président de la République polonaise : Wladyslaw Raczkiewicz, général : Wladyslaw Sikorski)
5 jours avant l’arrivée des Allemands, départ des Polonais pour Libourne puis l’Angleterre (Sikorski).
Pendant la guerre, 80 000 soldats polonais combattent aux côtés des Français.

 

10 mai 1940 : Les Allemands attaquent les lignes françaises
L’annonce de la débâcle : l’arrivée massive de réfugiés en juin 40 (entre 100.000 – 120.000 réfugiés ont traversé ou se sont provisoirement installés en Anjou pendant la guerre)

       I.            L’invasion

8-9 juin 1940 : bombardement de Saumur

Entre le 18 et 21 juin 1940, quatre jours d’affrontements terribles aux abords de la Loire, à Segré et au Lion d’Angers. 560 jeunes élèves d’officier de Saumur essaient de défendre la ligne de la Loire, 79 furent  tués, 47 blessés.

19 juin: Angers, à l’époque ville de 86.000 habitants, a été déclarée ville ouverte, (puis Cholet le 20), le département était coupé en 2, les ponts sautés
L’occupation fut inégale : surreprésenté à Angers, quasi inexistante dans certaines villages du département

   II.            L’occupation

Angers  fut un de 4 centres opérationnels importants en France pour les Nazis choisi grâce à sa qualité de desserte, la proximité du littoral, sa situation « au calme » – moins exposé aux attaques alliées avec peu d’équivalent en zone Nord (Paris, Dijon, …)

Administrations présentes :

  • Déclarée Préfecture régionale par le gouvernement Vichy (5 départements : M&L, Sarthe, Mayenne, Loire-Inférieure, Indre-et-Loire) mais aussi
  • Kommandatur, siège de l’administration militaire du Sud-Ouest district B (district allant de la Normandie jusqu’au Pays Basque avec autorité sur 17 départements), basée dans les bâtiments de l’Université catholique (à nos jours existent toujours un bunker en dessous de la Catho)
  • Propagandastaffel
  • L’état-major de la Luftwaffe pour la zone Atlantique et le centre d’écoute des stations de la radio anglaise BBC à Avrillé, de nos jours la clinique Saint Didier (les jeunes allemandes qui y travaillaient ont été nommées « souris grises » par la population locale)
  • Le quartier général de la Kriegsmarine pour l’Atlantique et la Manche avec
    • le centre de transmission d’ordres aux sous-marins de l’Atlantique au Château de Pignerolle (installation du PC et de l’Amiral Dönitz, commandent en chef des sous-marins, quittant le port St Nazaire fin 1942)
    • le centre de transmission d’ordres aux navires de surface de Murs-Erigné
  • Abwehrstelle (services de renseignements et de sécurité de l’armée allemande), une des trois antennes en France avec la Sipo – SD (police de sûreté nazie) incluant la Gestapo (basé rue de la Préfecture puis au château du Hutreau (après les bombardements d’Angers)

Au total, entre 6000 – 7000 Allemands, hommes de troupe, officiers et administratifs divers (hommes et femmes) furent présents sur Angers et ses environs. Angers devenait une ville administrative « allemande » avec parfois des rues entières réquisitionnées par l’armée allemande (rue de la Préfecture) mais peu de présence de troupes combattantes.

La répression fut importante :

  • 108 inculpés par le gouvernement Vichy qui pour la plupart ont été déportés en Allemagne,
  • existence de trois centres d’internement avec des buts différents (objectif « exclusion » pour les Tziganes à Montreuil-Bellay, le plus grand camp de France, objectif « persécution » pour les Juifs à Clefs-Beauregard et  « répression » pour les Politiques à Fontevraud)

Evénement marquant : le 20 juillet 1942, départ de la gare d’Angers du convoi n° 8 amenant plus de 800 femmes, enfants et hommes, résidents français d’origine juive du grand Ouest, vers Auschwitz-Birkenau, seulement 14 personnes sont revenus

Les absents : 15 880 prisonniers de guerre, 5000 requis de travail (STO), plus de 1000 déportés (787 politiques et 300 raciaux)
Les arrivés : 4000 prisonniers « indigènes *» de guerre sur 69.000 en France, installés par exemple au Frontstalag 181, l’ex-école de Cavalerie, Champ Chardonnet à Saumur
*prisonniers d’origine sénégalaise, indochinoise et maghrébine

L’attitude des Angevins d’un caractère plutôt paisible et attentiste était en général germanophobe donc hostile à toute collaboration active mais étant donné que beaucoup d’Angevins étaient également Pétainistes, c’est seulement à partir de 1942 que la réprobation grandissait à force d’une répression accrue, des évolutions extérieures (retour de Laval au gouvernement, débarquement en Afrique du Nord, invasion zone Sud,..), l’apparition du STO pour les 21-30 ans et fut suivi d’un engagement croissant dans la résistance à partir de 1943. Selon les estimations, il existait 1.600 résistants en Anjou (comme par exemple le réseau « Honneur et Patrie » de Victor Chatenay, actif pour la libération des incarcérées du Stalag de Saumur), 46 résistants furent fusillés  pendant l’occupation dans une des clairières de l’étang Saint-Nicolas, à l’ombre des murs qui servaient de stand de tir, certains n’avaient que 19 ans parmi eux Adrian Tigeot, Alfred Clément, André Moine,…

III.            La libération

28-29 mai 1944, nuit de la Pentecôte : Bombardement d’Angers par la RAF de Lancaster, objectif : la gare de triage d’Angers, 638 impacts de bombes furent relevés essentiellement dans le quartier St Laud – Visitation, bilan officiel : 254 tués, 250 blessés, 5584 sinistrés

6 juin 1944 : Débarquement sur les plages de Normandie : 23.000 parachutistes, 133.000 soldats débarqués, 600 navires de guerre, 10.000 avions

8 juin : 2ème bombardement d’Angers par la Mission 400 des Etats-Unis, bilan officiel : 21 morts, 39 blessés, 635 sinistrés (autres bombardement s’en suivent à Angers et Avrillé mais également  à Saumur, Cholet, Baugé, Chemillé)

5 août 1944 : Pouancé, première ville libérée du département

10 août 1944 : Angers libérée par le Général Patton, le reste du département fut libéré seulement quelques semaines plus tard

30-31 août 1944 : libération de Saumur et Cholet

janvier 1945 : Général de Gaulle en visite à Angers

avril – juin : retour de prisonniers de guerre et de déportés
On estime le nombre de morts pendant la libération à 108 tués côté américain, 500 morts côté allemand dont 150 exécutés derrière le Parc de l’Hutreau.
Les mesures légales d’épuration après la libération concernaient 4.000 Angevins, ¾ furent condamnés, 16 exécutions pour fait de collaboration (dont une femme) ont eu lieu, période marquée par beaucoup de violence et une longue durée (jusqu’en 1948).

Château de Pignerolle

40 pièces, 76 ha

1000 soldats dont (600 de l’opération Todt), présents pendant 9 mois

Equipements :

  • 10 bunkers au Parc servant à stocker du matériel et de lieu de refuge en cas d’attaques aériennes
  • trente baraquements en bois pour accueillir des sous-mariniers en repos
  • piscine pour officiers, terrains de foot, de hockey sur gazon, un théâtre, un âne et des oies
  • centre d’intendance

9 août 1944 : feu dans le bunker amiral, pas de combat sur le site mais le parc est complètement miné avant le départ des Allemands

Association du mémorial des bunkers de Pignerolle, (depuis 2011), Christophe Marquet, président

Voir aussi les archives départementales du Maine et Loire : 1944 – l’Anjou libéré

 

Sources :

Exposition à l’Hôtel de Ville d’Angers : « Angers sous les bombes », exposition mise en place par l’UATL

Numéro spécial Ouest France : « Guerre et Libération en Maine-et-Loire », 3 €

Soirée débat organisée par Ouest France, 2 juillet 2014 aux Archives départementales : « L’Anjou pendant la 2nde Guerre »

Livre, Domaine de Pigernolle – témoin d’une grande Histoire, Jean-Luc Coifard

Livre, D’Angers le danger – 1942 – 1945, Guy Suquet